Description
« Depuis une quinzaine d’années, Guillaume Zuili arpente Los Angeles où il s’est désormais installé. Il y réalise d’incessantes traversées, c’est aussi un voyage dans le temps comme il a pu en entreprendre dans d’autres villes du monde qu’il aime traduire par des jeux optiques et chimiques. Les effets expérimentaux sont pour lui un langage hérité de la tradition des avant-gardes et le moyen de hisser les impressions au rang d’images mentales.
En travaillant au sténopé (un appareil sans objectif), en tirant sur des papiers vintages (sans accélérateur de développement), pour justement pouvoir utiliser le mythique révélateur lith qui contamine le papier et laisse sa propre empreinte sur l’image, Guillaume Zuili suit une chaîne d’opérations qui le rapproche de l’alchimiste. Le résultat est une esthétique de la relique avec des épreuves ambrées et minérales présentant les motifs modernistes de la ville devenue prisonnière du temps. Le tout vous donne le sentiment de découvrir un trésor enfoui, une bibliothèque échouée. »
On a là toute la mythologie de l’Amérique, ses architectures futuristes et son fameux « vernaculaire », ses cow boys et ses pin-up, ses bagnoles et ses lettrages d’enseigne. Mais tout s’est mélangé dans l’imaginaire comme dans une substance photographique. Ajoutons une référence qui vient à l’esprit devant cette façon de conjuguer les temps dans l’image photographique : Los Angeles a formé à la photo celui qui a su marier photographie et peinture- on pense ici à Ed Ruscha dont les livres photo conceptuels répondent aux grandes peintures d’enseigne et de ses fameuses gazoline stations. Cet artiste a transformé les signes du moderne en vestiges, et qui plus est en donnant l’apparence de photographie a ses peintures comme Curtis à l’époque pictorialiste donnait à ses photos le charme de la gravure. Zuili participe de cette esthétique des artisans du mythe americain, trouvant dans le mélange des genres le carburant d’une machine à détraquer le temps. »
Michel Poivert, Camera, 2017